Métronome
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La rue, ses gens, sa matière et sont temps
A la galerie Pierre Hallet, les photographies de Pierre Toussaint racontent la rue.
LA VINGTAINE DE TIRAGES en noir&blanc de Pierre Toussaint exposés à la Galerie Pierre Hallet sous l’intitulé « Métronome » témoignent d’une vision cohérente, mais surtout originale et intrigante. Le fil rouge, il ne faut pas aller chercher très loin, c’est la rue. C’est une matière première des plus classiques pour les photographes. Autant comme théâtre inépuisable des drames et comédies humaines que comme réserve intarissable de formes et de lumières. C’est dans cette deuxième veine que puise ce jeune artiste sorti il y a peu de la prestigieuse école d’Arles. S’il y a des gens dans chacune de ses images, on ne voit pas leurs visages. Plus encore que des anonymes, ces personnages font de fait partie intégrante du décor de la rue. Au même titre que les bancs, les barrières ou encore – côté matière – que le bitume ou le pavé de béton. Ce qui est l’exacte volonté de l’artiste qui, d’ailleurs, l’exprime parfaitement : « Métronome est fait de rencontres instantanées dans la ville entre des corps et un appareil photographique. Le geste est contrôlé, mais laisse place aux hasards qui vont ordonner à leur manière. La surprise survient dans la communication formelle et primitive des corps avec la toile urbaine . Fragments expressifs d’une nature humaine, anonyme, enracinée, en passe de devenir des éléments visuels authentiques ».
On notera que toutes les images sont verticales, ce qui pour Pierre Toussaint « correspond au combat de l’homme pour rester debout ». Et de citer sa grand-mère : « J’ai mal à la colonne verticale » (1996)…Cela ne manque pas d’humour, mais ceci dit le photographe ne doit pas avoir hérité de cette affection car il tire lui-même très patiemment ses images argentiques durant de longues heures. « Le labo ? Une quasi philosophie », dit-il, « mais aussi le meilleur moyen de restituer un noir et touts la matière d’un film aux sels d’argent ». S’il emprunte le geste de la « street photography », l’artiste a manifestement trouvé un style qui le différencie clairement de tous ses confrères aficionados des Winogrand et autres Friedlander. De quoi difficilement oublier ses images énigmatiques exposées ici en résonnance au travail abstrait de Georges Meurant. De la belle ouvrage.
Jean-Marc Bodson